texts

La chose (partie 1/bis)

C’était un soir comme tant d’autres, un mardi il me semble, un jour sans réel intérêt avait précédé un début de soirée un peu à la con… Un lapin, dans un bar, une fille que j’avais swiper quelque heures plus tôt.

Un plan cul… Je noyais une frustration molle en sirotant un verre dans un fauteuil en cuir… le contact froid du verre ancrant un peu de réalité dans cette vie au contour incertain, brumeux et fade… quand elle entra!

Elle était brutalement splendide, comme un uppercut magnifiquement planté dans un menton, qui vous sonne et vous envoie le cul par terre respirant une poussière faite de squame de peau et de vieux short usé… Toute forme d’humidité quitta ma bouche instantanément et je sus… que si elle quittait ce lieu sans un bout de moi je mettrais 1000 ans à la retrouver…

Je la vis me regarder n’ayant pas un intérêt fou dans les yeux et me décidais à me lever pour tenter un truc fou…

- Bonjour

- Bonsoir, lâcha-t-elle du bout des lèvres (j’étais à côté et allais surement me prendre une veste)

- Vous venez souvent ici (mais tu vas te taire…)

- Non pas vraiment…

Je sentais que j’allais bientôt pouvoir ouvrir un Jardiland avec le râteau qui se dessinait…

Je devais tenter le tout pour le tout… Dans un murmure, je lui glissais…

- Si vous le souhaitez, je ferais de vous ma chose…

Et plantait mes yeux bleus acier dans les siens, un regarde froid comme de l'espace, j'essayais de distinguer si je l’avais choquée, si j’allais prendre une gifle ou…

- Avec plaisir me répondit-elle dans une expiration qui sentait bon le désir et la chaleur .

Je déposais alors un petit carton blanc sur le bar, réglait ma note et partis sans même un regard en arrière… tant j’avais peur qu’elle revint sur ces paroles.

Sur la carte, j’avais écrit un petit mot à destination de mon rendez-vous manqué, un jeu de rôle auquel j’avais eu l’intention de jouer avec mon lapin qui avait eu la très bonne idée de rester dans son terrier… je ne la remercierais jamais assez…

20 janvier 2002, 21h30, 15 rue du temple, venez seul ou ne venez pas!

“Il la regardait avec douceur et gêne, une coquetterie que seuls les amants de longue date peuvent voir. Un mélange savant, entre impudeur et intimité préservée… c'était un amour fou, un de ceux que le diable lui-même nous envie… fou… de toute façon, cela faisait bien longtemps qu'il n'avait plus d’âme à vendre. Collé contre la peau chaude, il entendait la douce musique de ce coeur à qui Il décida en ce petit moment fragile et suspendu, entre chien et loup, entre ses seins surtout, de faire cadeau ce qu’il lui en restait… ”

Béranger Tranier - Le phare était eteins

C'est quand l'oeil attendri qu'il portait sur le monde sortit de son orbite et tomba, flasque, morne, ayant la vigueur de la sole sur l'étalage du poissonnier qu'il admit qu'il ne pourrait décidément rien faire pour le ceux qui l'entourait.

À ce moment-là, exactement, il commença à se replier sur lui même. Petit à petit il se vouta…

Une fois son corps en position foetale, il dut trouver un moyen pour prendre encore moins de place et décida, humblement, de ranger les parties de soi qui trainait, dans sa bouche, ce gigantesque gouffre où l’abime disputait à la noirceur, les profondeurs.

Il y mit d'abord un pied suivi du second… S'aidant de ces mains , qui elles aussi, quand il aurait fini sa transformation seraient rangées aux côtés de sa langue immense, passa ces chevilles, genoux, cuisses, bassins…

Il était là, la gueule pleine de lui-même, et dans les petits espaces qui restait il y mit ce qui restait de lui…

Une fois totalement recourbée sur son propre centre, homme monde, sphère de chair, il chuta de sa chaise et resta inconscient aux autres, pendant que le feed continuait d'abreuver l’humanité…

Béranger Tranier - L'homme monde ou la chute.